Charles Mingus - Tijuana Moods - Tijuana Gift Shop
Il est des fois où la vie vous réserve de jolies suprises : j'allais faire un billet sur mon morceau préféré de Mingus (qui n'est pas le meilleur, ni le plus inventif, ni le plus péchu mais celui que je préfère pour d'obscures raisons inconnues même de moi-même). Et voila pas que je tombe sur la réédition de l'album qui contient les différentes prises enregistrées lors de cette session pour parvenir à ce petit bijou qu'est Tijuana Gift Shop.
Le morceau est un classique de l'arrangement selon Mingus : on part d'une phrase musicale jouée par un ou deux instruments. Les autres instruments rejoignent la phrase musicale au fur et à mesure qu'elle avance. En même temps,les instruments qui la jouait au début s'en éloignent pour partir dans des imporvisations indépendantes les une des autres. Cela donne un aspect fouilli au morceau jusqu'à ce que tous les instruments se recalent d'un seul coup sur une autre partie du thème.
Il n'y a pas de long solo dans ce morceau. Ainsi, il ne reste pour l'improvisation quasiment que ses petits espaces de liberté dans la phrase musicale. Sans cohérence pré-établie entre les musiciens le morceau prend une sonorité, une allure free jazz (cela reste très très cadré contrairement à ce qu'on peut entendre en free).
La mélodie de la première partie du thème est tout simplement géniale. Voir la formation de Mingus s'en emparer (avec difficultés quelquefois) et la triturer jusqu'à l'explosion est un véritable régal pour les oreilles. Même la ligne de basse de Mingus sur la première partie du thème, est une pure merveille et change de son jeu habituel (que l'on peut entendre sur la seconde partie du thème) : pas de walking bass mais une mélodie entrainante et rythmé.
Prises différentes
Avec 4 autres prises différentes, on se trouve face à un vrai trésor. On peut écouter comment le tempo a été augmenté au fur et à mesure des enregistrements. Les variations dans les différentes improvisations sont aussi une vrai petite merveille. Au moins on est sur que tout n'est pas écris comme le faisait Ellington vu que d'une prise à l'autre les solos diffèrent, généralement de manière assez radicale (j'ai été assez étonné d'aussi grands changements) mais aussi parfois de manière quasi imperceptible (comme s'ils avaient su que cette partie leur plaisait et qu'ils allaient la garder jusqu'au bout.
On remarque aussi des changements dans l'arrangement . Par exemple, le piano est bien plus présent sur la prise 2 que sur la prise finale. Perso j'adore les interventions du pianiste et je regrette un peu qu'elles aient été amoindries sur la prise finale.
Bref le tout s'écoute en boucle pour le plaisir d'une mélodie hallucinante et pour jouer aux 7 différences.
Il n'y a pas de prises 3, ni de 5. Je dirais bien que la 3 a été arrêtée trop tôt pour être présenter au public et que la 5 a été la bonne. La 6 est juste là pour voir ce que ça donnait en y remettant une couche, mais je vous raconterais alors très certainement n'importe quoi.
La chanson mais aussi l'album (avec des titres bien plus riches que le sautillant Tijuana Gift Shop) peuvent s'écouter en boucle sans que vos oreilles ne lancent aucune plainte d'ennui ou de maltraitance (essayez d'écouter en boucle un morceau pop que vous aimez bien, l'ennui vous aura bien plus rapidement que vous ne l'imaginez). Cette réédition avec des prises différentes du même morceau est vraiment un pur bonheur. Un peu comme cette petite phrase musicale qui revient aux oreilles toute la journée, mettre un peu de soleil par ces temps hivernaux.
Lien
Un article bien fait sur l'album original